Login

TRAVAILLER JUSTE AVEC LES FOINS-REGAINS 2010

Tous les regains récoltés en 2010 n'ont pas la même capacité que d'ordinaire à rattraper le classique déficit en azote soluble des foins.© CHRISTIAN WATIER

Corrects et constants sur le plan énergétique, leur premier facteur limitant, les foins apparaissent parfois plus variables en azote soluble. C'est aussi la mauvaise surprise de beaucoup de regains récoltés et avec lesquels il faudra composer.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

À N'EN PAS DOUTER, LES PRODUCTEURS QUI TRAVAILLENT L'HIVER EN 100 % FOIN-REGAIN signeraient tout de suite pour récolter, chaque année, le même fourrage qu'en 2010. Surtout pour les premières coupes. Témoin les résultats de la petite centaine d'analyses réalisées en Franche-Comté par Jura Conseil Élevage et autant par le Contrôle laitier du Doubs et du Territoire de Belfort.

« Les foins sont globalement bons, résume Pierre-Emmanuel Belot, de Jura Conseil Élevage. Le printemps a été favorable à la croissance d'une herbe de qualité. La fauche a débuté au 20 mai en plaine, et au 15 juin sur les deuxièmes plateaux et le haut Jura. Le mois de mai a connu de longues périodes sans précipitation, ce qui a permis de récolter des fourrages bien secs, donc prometteurs en terme de conservation. » Ce dernier critère n'est pas à négliger, car il est déterminant sur l'ingestion du foin par les vaches laitières.

DES PREMIÈRES COUPES GLOBALEMENT CORRECTES

Dans le Jura, c'est la valeur énergétique des foins qui est la plus marquante. Les valeurs les plus basses sont à 0,67 UFL/kg de MS, et on monte jusqu'à 0,75 UFL sur la moyenne des foins précoces de plaine. Un bon point donc pour la teneur en énergie du millésime 2010, premier facteur limitant traditionnel des rations à base de foin. Du côté de la valeur azotée, le bilan apparaît aussi très satisfaisant, avec un taux de protéine brute globalement situé à 10-11 %. « On remarque sur ce critère que c'est essentiellement la date de fauche et le pourcentage de légumineuses qui sont déterminants. Autrement dit, pour cette campagne, ce n'est pas l'effet année qui influence la valeur azotée des foins, mais bien le type de prairie couplé au stade de récolte », constate Pierre-Emmanuel Belot.

La teneur en azote soluble (utile pour les micro-organismes du rumen) est plus variable. Cette dernière est estimée en comparant les valeurs PDIN et PDIE. Au-delà de 10 g d'avance en PDIE par rapport aux PDIN, on peut craindre un facteur limitant en azote soluble. Ce dernier pourra être comblé soit par un apport de regain de qualité, soit par un concentré riche en azote rapidement dégradable. Ce sont les foins de plaine, fauchés après le 1er juin, et les foins de premiers plateaux, fauchés après le 15 juin, qui souffrent le plus de ce manque d'azote soluble. Pour les autres foins (plus précoces), le profil azoté semble assez soluble.

Concernant la teneur en cellulose, là encore, pas de surprise dans le Jura. Elle augmente avec l'âge des plantes. Elle sera donc supérieure sur les foins plus tardifs. On ne remarque pas de valeur dangereusement basse sur les fourrages fauchés à un stade plus précoce. Dans l'ensemble, les foins 2010 présentent une teneur en cellulose brute de 30 % et plus, ce qui représente une bonne sécurité du point de vue du risque acidogène.

On retrouve dans le Doubs les mêmes foins « a priori appétents, fibreux et très corrects sur le plan de leurs valeurs nutritives. C'est surtout le cas de ceux récoltés fin mai en plaine, avec des valeurs moyennes de 0,65 UFL, 9 à 10 % de MAT, 58 g de PDIN et 70 g de PDIE, note Jean-Eudes Meier, du Contrôle laitier du Doubs et du Territoire de Belfort. De quoi couvrir 10 à 11 kg de lait avec du foin seul. » En revanche, le gros de la première coupe, réalisée fin juin, est d'une qualité à peine moindre (0,61 UFL, 52 g de PDIN et 65 g de PDIE). Il l'est plus sur le premier plateau (500 à 700 m) avec, début juillet, des valeurs de 0,68 UFL, 65 g de PDIN et 74 g de PDIE. « Les meilleures premières coupes ont été faites fin mai entre 700 et 900 m avec des foins de séchage à 0,76 UFL, 93 g de PDIN et 88 g de PDIE. Il y avait longtemps qu'on n'y avait pas vu un tel niveau qualitatif en montagne. Gare toutefois avec ces derniers aux risques d'acidose. Leur taux de cellulose est seulement à 23 %. »

Autant les foins ont bénéficié de conditions de récolte optimales, autant celles des regains ont été aléatoires. La faute à un mois de juillet sec qui a pénalisé la pousse, suivi d'un mois d'août pluvieux qui a retardé la fauche. « Sans être catastrophique (0,77 UFL, 84 g de PDIN, 85 g de PDIE en moyenne), on se retrouve, contrairement à d'habitude, avec beaucoup de deuxièmes coupes(1) qui auront moins la capacité de compenser le déficit en azote soluble des foins. À savoir les 10 g d'écart classiques constatés entre PDIN et PDIE », observe Jean-Eudes Meier. Même constat dans le Jura où seuls les regains tardifs de fin août se démarquent par un écart PDI jusqu'à 15 g à l'avantage des PDIN. Et de conseiller « pour combler ce déficit d'azote soluble et assurer un bon fonctionnement du rumen, l'utilisation de 1 à 1,5 kg d'un mélange de tourteaux ». Il s'agira ensuite pour ceux qui veulent « traire du lait » de classiquement concocter un mélange fermier ou d'acheter un VL équilibré en PDIN/PDIE et suffisamment énergétique.

FAIRE D'UNE PIERRE DEUX COUPS AVEC LES DRÈCHES

Pour Éric Libersa, de Haute- Saône Conseil Élevage, l'utilisation de drèches de blé (sous-produits des usines de bio-éthanol) constitue aussi une réponse intéressante pour assurer la couverture énergétique de ces rations foin-regain 2010. « Ces drèches présentent le double avantage d'être une source d'énergie d'un niveau analogue à une céréale (au moins 1 UFL/kg) mais sans les inconvénients liés à l'amidon, étant sous forme d'énergie paroi. En outre, elles sont bien mieux pourvues en azote (30 à 35 % MAT), notamment sous la forme soluble dont manquent les foins 2010. Au moment où les cours des tourteaux sont très fermes, l'utilisation de cette source azotée, à raison de 2 ou 3 kg/VL/j, sur des régimes foin-regain est tout à fait envisageable, que ce soit en tant que concentré d'équilibre ou concentré de production en association avec des céréales. » « Mieux vaut néanmoins les associer à un minimum de tourteaux pour sécuriser l'apport d'azote soluble, tempère Pierre-Emmanuel Belot. La solubilité de la fraction azotée des drèches de blé, sous-produits plus ou moins chauffées, est en effet assez variable. »

PAS DE CARENCE MINÉRALE

Pour ajuster au plus juste la complémentation minérale, sachez que les valeurs observées dans le Jura sont proches des tables de référence. On note toutefois des teneurs en calcium légèrement inférieures sur les foins tardifs. « Mais les moyennes cachent de fortes disparités selon la composition de la prairie. Retenons que 2010 offre des fourrages correctement pourvus en minéraux », précise Pierre-Emmanuel Belot. Et de rappeler : « Les foins prometteurs de cette année exprimeront leur potentiel, sous réserve d'appliquer des règles de bonnes pratiques, parfois oubliées. Il est tout d'abord essentiel de réaliser une très bonne transition alimentaire en automne. Veiller également à associer foin et regain sur chaque repas et à ajuster la proportion de regain en fonction de la teneur en fibres du foin. »

JEAN-MICHEL VOCORET

(1) Regains récoltés entre 45 et 60 jours : 0,77 UFL, 82 g de PDIN et 85 g de PDIE. Récoltés à plus de 60 jours : 0,76 UFL, 83 g de PDIN et 84 g de PDIE

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement